Road-trip au nord-ouest argentin : un grand saut dans l’univers andin

Categories AMERIQUE DU SUD, Argentine

Après les fraîches températures de Patagonie, j’atterris à Salta où j’ai rendez-vous avec mes copines d’Antarctique Hélène et Sophie pour une semaine de road-trip dans la région du nord-est argentin. Située à 1200 m d’altitude, c’est sans doute la plus belle ville coloniale du pays. A la fois vivante et animée, elle a su conserver son caractère traditionnel des temps passés, lorsque c’était une étape incontournable sur la route commerciale vers la Bolivie et le Pérou. D’ailleurs je n’ai plus vraiment l’impression d’être en Argentine tant le décor et l’ambiance dénotent du reste du pays. Ici les locaux sont beaucoup plus typés indiens, ils font 1m50 comme en Bolivie et il y a des vendeurs de popcorn à chaque coin de rue comme au Pérou. J’ai vraiment l’impression d’avoir été propulsée dans un autre pays, hormis l’accent argentin (avec leur « ll » et « y » qu’ils prononcent [ch]) toujours bien présent. Mais malgré le charme certain de « la linda » comme on la surnomme ici, nous ne nous attarderons pas à Salta car c’est davantage pour ses alentours que nous sommes venues ici. On passe donc la soirée à mettre au point notre itinéraire pour les jours à venir et à attendre mon sac que la compagnie aérienne m’a perdu en cours de route (oui, oui, véridique ! Ce n’est que la 4ème fois que ça m’arrive). 

 

Le lendemain après avoir récupéré notre voiture de location, nous mettons cap au sud en direction de Cafayate. En quittant Salta et sa chaleur étouffante, nous sommes surprises par la végétation verdoyante qui nous entoure soudainement, mais progressivement le décor change de nouveau, laissant place à des paysages semi-arides, la terre rougit et les cactus apparaissent.

Salta boucle sud

 

Commence ici la Quebrada de las Conchas (vallée des Coquillages) qui serpente sur environ 100 km. Ce long canyon, creusé par le temps, présente des formations géologiques incroyables couleur ocre. Nous faisons de multiples stop sur la route pour découvrir les points d’intérêts aux noms évocateurs : la Garganta del Diablo, une immense faille rocheuse où l’on peut pénètrer, el Anfiteatro, une gorge étroite à l’acoustique surprenante, la Ventana, une sorte d’accordéon géant percé d’une fenêtre, los Castillos, de gigantesques chateaux posés au bord du rio… Bref, les cartes mémoires de l’appareil photo se vident, les bouteilles d’eau aussi et comme le soleil est encore haut dans le ciel on décide de poursuivre jusqu’au ruines de Quilmes, via la mythique Ruta 40. Emblème de l’Argentine, c’est la plus longue route du pays puisqu’elle traverse le territoire du nord au sud parallèlement à la Cordillère des Andes sur environ 5 000 km.

Salta boucle sud

 

Situées à 50 km au sud de Cafayate, à près de 2000 mètres d'altitude, c’est ici que les indiens Quilmes bâtirent leur ville à flanc de colline, aux alentours de l’an 1000. Pendant 130 ans, ils résistèrent à la colonisation espagnole, puis furent vaincus et exportés. Aujourd’hui on peut y voir les fondations des maisons et la structure labyrinthique de la ville qui jouissait d’une situation hautement stratégique sur la vallée et qui nous offre un point de vue idéal pour admirer les couleurs du coucher de soleil. Nous reprenons la route sous un ciel orageux vers Cafayate où nous passerons la nuit.

Salta boucle sud

 

Le jour suivant nous continuons en direction de Cachi, en traversant les vallées Calchaquies. Ici s’étire la Quebrada de las Flechas, modelée il y a presque 20 millions d’années, ses formations rocheuses prennent des formes insolites, érodées au fil du temps par le vent, elles font penser à des flèches majestueusement dressées vers le ciel.

 

Comme on est curieuses, on décide pour rejoindre le nord de la région d’emprunter la  Ruta 51 qui parcourt la Quebrada del Toro et qui longe sur une partie les rails du fameux Tren de las Nuebes. Nous n’aurons pas le loisir de le voir car il ne circule pas tous les jours mais nous découvrons les structures ferroviaires datant du début du XIXème et les tunnels creusés dans ces montagnes ocres, impressionnant ! La route est magnifique et déserte, on ne croise que des lamas plus curieux que troublés de nous voir par ici.

Salta boucle nord

 

Un dernier village et un contrôle de police où le flic nous demande si l’on fait l’aller-retour… et bien non ! Oui, on sait « la ruta es muy mala » (= la route est très mauvaise), mais on aime l’aventure et on a le plein d’essence et d’eau. Effectivement, après San Antonio de los Corbes ça se complique, la route non asphaltée est un « tape cul » sans fin. D’ailleurs elle ressemble plus à un tapis de gravier qu’à une route… Mais les paysages sont grandioses alors on ne regrette pas notre choix. Notre GPS est un peu perdu dans ce désert et même si on est censé rouler sur l’ex-ruta 40, le tracé est parfois ambiguë et on se fait quelques frayeurs d'itinéraire. Heureusement on croise des locaux sympas, bien qu’étonnés de voir des gringas s’aventurer par ici, qui nous confirment la direction.

Salta boucle nord

 

De temps à autre, des ânes traversent la chaussée et des lamas se roulent dans la poussière de la piste juste devant notre voiture, comme pour nous rappeler qui si il y a de la vie par ici. Quand ce n’est pas les animaux qui nous stoppent dans notre élan de championnes de rallye, ce sont des locaux qui sont à la recherche d’un camion perdu, puis un cycliste qui en bave et à qui l’on offre une bouteille d'eau et une orange. C’est qu’on en croise du monde finalement dans ce No man’s land ! Après 5 h de conduite sur cette dirty road nous atteignons enfin les Salinas Grandes, malheureusement le vent est très fort et la lumière tombante, nous décidons donc de ne pas faire l’excursion dans ces conditions mitigées et remettons ça à plus tard. Nous poursuivons notre chemin en filant cette fois sur une route parfaitement asphaltée, même si on est dans le brouillard complet du fait de l’altitude (on passera même un col à 4170 m !), pour rejoindre Tilcara qui signifie « Etoile filante » en quechua. Passage éclair en effet, puisque nous n’y nous passerons la nuit.

Salta boucle nord

 

Le lendemain matin nous sommes d’attaque pour de nouvelles pérégrinations à travers des décors désertiques et on se lance une fois de plus sur une route très peu fréquentée pour aller à la Laguna de los Pozuelos, un lac se trouvant sur un haut plateau à plus de 4000 m d’altitude. Là encore les paysages sont sidérants !

 

Et après 3h de piste acceptable (par rapport à celle de la veille) sans avoir croisé un seul touriste, nous arrivons au site en question. Enfin pas tout à fait : 7 km de chemin boueux nous sépare de la dite lagune… La journée est déjà bien entamée mais on ne peut se résigner à rebrousser chemin si proche du but. Des locaux qui attendent le bus au milieu de la pampa, nous disent qu’un ranger est dans le parc et on est bien déterminées à attendre son retour avec l’idée de négocier pour qu’il nous y emmène avec son 4×4. Notre patience porte ses fruits puisqu’une heure plus tard, à l’heure de fermeture, il ressort du parc. Malgré l’heure tardive, deux argentins ont réservé un tour avec lui, notre guide sympa accepte de faire des heures sup’ et de nous emmener. On se serre donc à quatre sur la banquette arrière du 4×4 et c’est parti pour un mini-safari, youpi !

 

La lagune est immense, entourée de sommets montagneux, cette réserve est le refuge de nombreux animaux : plusieurs espèces de flamands (roses, rouges et blancs), des vigognes par centaines, des lamas et d’une une grande variété d’oiseaux. Bref, on ne regrette pas d’avoir attendu, mais la journée touche à sa fin et l’orage gronde au loin, il faut songer à partir. Les locaux nous déconseille de prendre la route par ce temps car la foudre est la première cause de mortalité dans cette région très orageuse. On repart avec prudence sur Humahuaca en profitant de beaux arcs en ciel sur le chemin du retour et d’un petit nettoyage de notre voiture par la même occasion.

 

Le lendemain on s’accorde une petite grasse mat’ car le site que l’on souhaite visiter El Hornocal, ne révèle ses belles couleurs que lorsque le soleil a dépassé son zénith. Evidemment, on nous dit là encore que la route pour y aller est difficile, mais avec nos médailles d’or de pilotes, on ne s’en rend même plus compte. On a juste un petit doute sur la voiture qui peine un peu en monter, en effet des locaux nous ont dit que l’altitude pouvait impacter les moteurs de la même manière que les hommes et leurs couper tous leurs moyens. Finalement, nous arrivons à 4350 m sans encombre (par précaution une ambulance est présente toute la journée en cas de malaises des touristes) !

El Hornocal la montagne aux 14 couleurs

 

Nous avons de la chance, il y a quelques nuages mais suffisamment de lumière pour dévoiler la palette de teinte de la « montagne aux 14 couleurs ». Bon on a beau faire un effort, on n’arrive pas à arriver au compte de 14, mais ça n’en reste pas moins magnifique. La petite pente est dure à remonter, au moindre effort on sent bien le manque d’oxygène, il nous faut 10 minutes pour faire 100 m et atteindre la voiture.

El Hornocal la montagne aux 14 couleurs
On quitte les lieux pour repartir en direction de Tilcara, que nous avions un peu délaissé lors de notre précédent passage. Cette fois on va découvrir le site archéologique dit Pucará de Tilcara, qui se dresse à 1 km au sud de la ville. Pour accéder au sommet de cette forteresse précolombienne, on déambule dans une sorte de jardin labyrinthique rempli de cactus. Du haut de cette colline, on jouit d’une vue imprenable sur la vallée et les montagnes environnantes, on comprend mieux pourquoi ce lieu était si stratégique pour les indiens Omaguacas il y a environ 900 à 1000 ans.

 

On poursuit notre journée par une balade à travers les collines aux 7 couleurs, à Purmamarca, moins impressionnantes que l’Hornocal de ce matin, ou peut-être est-ce parce que le ciel s’est couvert. En revanche, le marché artisanal vaut le détour et après quelques essayages Hélène craque pour un pull péruvien en laine d’alpaga : trop chou !  Avec nos portes-clés « lamas » on est prête pour la séance photo de demain. Car on a gardé le meilleur pour la fin, demain on termine notre périple par les Salinas Grandes en croisant les doigts (ou les jambes ^^) pour que la météo soit de notre côté.

Salinas Grandes le désert de sel argentin

 

Effectivement, le temps est au beau fixe et après s’être serrées dans la voiture pour faire monter notre guide, on s’engage sur cette étendue de sel qui forme une croûte dure de 30 cm d’épaisseur. Le guide est obligatoire. D’une part pour nous indiquer où rouler car sous le sel c’est de l’eau et comme par endroits la couche de sel est fine elle pourrait se briser et d’autre part pour nous donner des explications qui sont les bienvenues sur ce site exceptionnel.

Les Salinas Grandes le désert de sel argentin

 

On apprend ainsi que ce sel continental (en opposition au sel d'origine marine) provient de l'activité sismique des volcans environnants. Il y a 600 millions d’années, la mer submergeait cette zone, à la suite de mouvements terrestres l’eau s’est retirée, certaines roches ont fusionnées sous l’effet de l’agitation du magma. Progressivement sont apparues les hautes chaines de montagnes qui nous entourent et cette étendue de sel s’est formée. Aujourd’hui, ce dernier est exploité de trois manières : par raclage pour en faire du sel industriel, par découpe de « briques » directement dans la croute de sel pour en faire des pains de sel de 50 cm² et enfin par la découpe de grandes plaques, ce qui laisse dans le décor des sortes de piscinettes d’eau salée, qui après un traitement consistant notamment à ajouter de l’iode dont il est dépourvu sera destiné à la consommation alimentaire. Pendant la saison de récolte, c’est-à-dire pendant l’hiver dit bolivien qui s’étend de janvier à mars, selon les années (ouf, on a de la chance !), le salar et fermé aux touristes, pour permettre aux ouvriers d’y travailler.

Salinas Grandes le désert de sel argentin

 


Et puis, il y a aussi cette belle lagune d'eau salée qui ne cristallise pas. On n’aurait bien envie de sauter dedans mais réfrénez vous. Ici, comme en Bolivie et au Pérou les communautés ont des croyances très fortes et attachent une importance toute particulière à la Pachamama (la Terre-Mère) et cette lagune revet un caractère sacré pour eux nous explique la guide. 

Salinas Grandes le désert de sel argentin

 

On s’adonne ensuite à notre séance photo, on n’a beau avoir plein d’idées, nos essais de mise en perspective sont moins fructueux que ce qu’on avait imaginé. Mais cela ne nous arrête pas, on profite à fond de ce lieu magique. Cette étendue blanche à perte de vue est un véritable joyau minéral. On se croirait sur une autre planète dans l’atmosphère est onirique.

Salinas Grandes le désert de sel argentin

 

Au bout d’une heure (temps imparti pour la visite), nous quittons difficilement ce lieu. Même moi qui connaissait le salar d’Uyuni, le plus grand désert de sel au monde, je ne me lasse pas de l’immensité et de la beauté de ce type d’endroits. Nous repartons ravies de finir notre road-trip sur une si belle note. Enfin, il nous faut encore ramener la voiture de location à Salta et faire mes adieux à mes coéquipières de choc. Mais on se re-croisera pour plein d’autres aventures, c’est certain wink

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