Perchée sur les collines en bord de mer, Valparaiso est sans doute la ville la plus colorée du Chili. Bohème, portuaire, estudiantine, poétique, les adjectifs ne manquent pas pour décrire cette ville devenue un incontournable de tout voyage au Chili. L'attraction principale de Valparaiso, ce sont ses rues tortueuses, ses maisons colorées, ses pentes escarpées et ses nombreux ascenseurs, qui permettent de gravir sans effort certaines des 44 collines de la ville. Mais si « Valpo » – comme la surnomme les chiliens – est si célèbre c’est très certainement pour son son art district.
Car Valparaiso change de peau au rythme des graffitis et des peinturesmurales qui viennent s’ajouter, semaine après semaine, sur les murs de la ville. Ce qui en fait désormais l’une des villes incontournables de la carte mondiale du street art et la référence en matière d’art urbain en Amérique latine. Avec le charme de ses maisons colorées accrochées à flanc de colline, ses dédales de ruelles, ses nombreux escaliers et ses ascenseurs, Valparaiso est un terrain de jeu sans fin. Le street art se glisse partout : portes de maisons, facades d’immeubles, boutiques et restaurants…
Pour découvrir cet univers, rien de mieux que de participer au « Free Walking Tour » qui a lieu tous les jours et pour pouvoir ainsi bénéficier des explications du guide local. C’est parti donc pour 3h30 de balade au gré des fresques urbaines, dans les collines de Cerro Alegre et Cerro Concepción. Le tour est très riche en enseignements, notre guide nous explique les différentes formes d'art urbain et les origines de cette pratique controversée. Ici les œuvres sont réalisées avec un mélange de techniques : à la peinture acrylique appliquée au rouleau ou au pinceau pour le pointillisme, mais aussi à l’encre ou à la bombe aérosol. Même si cette dernière technique contrairement à l’Europe ou les USA est beaucoup moins utilisée en Amérique du Sud.
De par la nécessité de réduire les coûts afin de peindre davantage, mais aussi dans la recherche esthétique les graffeurs sud-américains ont diversifiés leurs techniques. Du fait de la grande variété des supports également, puisqu'ici les artistes utilisent absolument tout ce qui est peignable : tôles, ciment, bois, roche… Ils mixent aussi la peinture avec d’autres graphismes tels que les collages ou les lettrages.
La scène Graffiti chilienne a émergé au début des années 1990, alors que le pays se relève de 17 années de censure et de répression, et que la ville commence à peine à reprendre ses droits et à retrouver ses formes d’expressions élémentaires. Les exilés politiques de retour au pays et ayant eu un contact avec les courants artistiques de New York, du Mexique, du Brésil et d’ailleurs, l ‘arrivée du mouvement hip-hop et ses tags, et enfin, les fresques peintes dans la rue comme support de lutte, de résistance et de communication populaire sous la nouvelle démocratie sont autant d’éléments qui contribuent à l’explosion du Street Art au Chili. On retrouve dans certains tableaux l’influence des traditions du continent sud-américain, référence aux peuples indigènes avec la croix mapuche, à la nature avec les fleurs polynésiennes ou à la faune andine avec des félins et des colibris multicolores.
Dans le cadre des peintures murales monumentales, il s’agit le plus souvent d’une commande rémunérée, privée ou publique, ou bien d’un festival d’art urbain. Pour les œuvres plus petites, c’est souvent un échange de bons procédés entre l’artiste et le propriétaire du support (mur, porte…). Cela permet au premier de s’exprimer librement et légalement et au second de refaire faire à moindre coût la façade de son hotel ou de sa maison de la façon la plus originale qui soit. Et oui, les valparaisiens sont particulièrement accueillants où peut-être est-ce dû au fait qu’étant une ville portuaire, ils sont habitués à recevoir des voyageurs et des modes venues d’ailleurs.
Si le street art a débuté ici avec une forte valeur politique, au travers de messages engagés contre l’oppression et la dictature, la situation s’est atténuée aujourd’hui et les œuvres ne sont qu’une forme d’expression artistique. Les maisons sont ainsi recouvertes de fresques multicolores, aux inspirations variées : futurisme, cubisme, formes abstraites, le long d’œuvres solitaires ou collectives. Bref, on aime se perdre dans le quartier historique de Valparaíso, avec ses places, ses points de vue, ses allées, ses escaliers et ses funiculaires tellement typiques de Valparaíso.
En plus, d’être l’un des pôles les plus actifs en matière d’art urbain, Valparaiso est également le berceau de plusieurs écrivains de renommée internationale, comme Pablo Neruda qui vécut ici et qui disait « Si nous parcourons tous les escaliers de Valparaiso, nous aurons fait le tour du monde ». Bon peut-être pas, mais on aura déjà bien marché ! Heureusement, pour les moins sportifs et surtout pour ajouter encore au charme de cette ville, on y trouve des ascensores, sorte de mini-funiculaires construits à la fin du XIXème siècle lorsque la ville n’a cessé de s’étendre sur les collines escarpés. Aujourd’hui, sur la trentaine d’ascenseurs existants, seulement 7 sont encore en service, pour 100 à 400 pesos vous pouvez donc monter dans ce mignonet wagon : retour dans le temps garanti ! Mais ce pour que je préfère le plus ici ce sont les toboggans. Quelle malicieuse idée et alternative aux escaliers pour reposer ses mollets et replonger en enfance le temps de quelques secondes.
A quelques kilomètres de là, se trouve Viña Del Mar, la station balnéaire voisine, autrefois surnommé « perle du Pacifique ». Avec Audrey, une française rencontrée à l’hostel, on décide donc d’aller y jeter un oeil. Un bus urbain plus tard, nous voici donc Viña, plus récente, plus propre, plus luxueuse avec ses immeubles grandiloquents, ses plages et son casino, mais assurément moins pittoresque que sa jumelle plus colorée qui sent moins bon. Non décidément, mon cœur balance davantage pour le coucher de soleil brumeux sur les collines de « Valpo ».
Le lendemain, nous partons faire une dernière promenade dans le Cerro Polanco, beaucoup moins touristique que ses cerros voisins mais tout aussi coloré. Il n’y a pas un chat voyageur dans les rues et pour cause, un chilien nous conseille de ranger nos objets de valeur et de passer notre chemin. D’ailleurs même les chiens du quartier semblent vouloir nous faire comprendre que nous sommes sur leur territoire. ¡ Vale ! ! Convaincues par ce double avertissement, on regagne donc sans trop tarder le coté plus touristique de la ville.
Je passe mes dernières heures à me perdre encore une fois dans les labyrinthes de ruelles et d’escaliers des quartiers d’Alegre et de Concepción, à m’arrêter écouter un concert de rue, à m’étonner de l’organisation horns norme de cette ville qui ne ressemble à aucune autre. Mais il est déjà l’heure de prendre un loooooong bus qui nous emmènera vers des paysages complètement différents mais non moins atypiques !